Archives d’Auteur: Le Monolecte

L’état de la précarité d’emploi en Europe

Évolution de la précarité d’emploi en EuropeCe qui par ailleurs est vérifié dans l’ensemble de l’Europe, c’est que les formes atypiques d’emploi touchent surtout deux catégories de la population : les jeunes et les femmes. Les premiers sont particulièrement concernés par le travail temporaire et la coupure est très nette avec les générations précédentes, comme le montre l’enquête européenne sur les conditions de travail. Si 85 % des salariés de plus de 45 à 54 ans bénéficient d’un contrat de travail à durée indéterminée, et si c’est encore le cas de 76 % des 25-34 ans, seuls 50 % des salariés relèvent de ce statut d’emploi. Pour les plus qualifiés des jeunes, il s’agit sans doute d’un sas, beaucoup plus long que celui de leurs aînés, vers le CDI. Pour les moins qualifiés, il signifie souvent une alternance entre contrats courts et chômage. Quant au temps partiel, le déséquilibre de genre, cette fois, est net dans l’Union européenne : si 7 % des hommes ont un temps de travail inférieur à 20 heures par semaine, c’est le cas de 19 % des femmes.

Lire l’intégralité de l’article sur l’Observatoire des inégalités : L’état de la précarité d’emploi en Europe.

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Marie à petit prix

Je ne me souviens pas vraiment de la première fois que j’ai croisé la route de Marie, un joli petit brin de femme énergique et enjouée, à la peau constamment tannée, hiver comme été. Je me souviens avoir pensé un truc du genre : « Tiens, il y en a qui ont les moyens d’entretenir leur bronzage en plein hiver ! ». Sauf que Marie ne va jamais au ski. Ni à la plage, d’ailleurs. Non, ce que le corps sec et ferme de Marie raconte, c’est l’âpreté du labeur au grand air. Un beau jour, Marie s’est retrouvée toute seule à élever ses 3 enfants, toute seule, dans mon coin de cambrousse, sans la moindre qualification. Ça arrive souvent. Quand le père se tire ailleurs avec quelqu’un d’autre. J’ai l’impression qu’elle n’a pas eu trop le temps de se lamenter sur son sort, Marie, elle s’est juste retrouvée directement dans le bain avec un seul objectif : surnager !

Et la survie, c’est précisément un sport de combat dans le bled :

* « Qu’est-ce que tu voulais que je fasse, ici ? Il y a l’usine à canards et les vignes. L’usine, j’ai eu du mal à finir la journée, ce n’est vraiment pas pour moi et avec les horaires, pour les gosses, ça ne pouvait pas coller. Alors, j’ai pris les vignes. »

Lire l’intégrale de l’article…

Education : Xavier Darcos invente la fonction publique des précaires

Un contrat aidé est un contrat de travail dérogatoire au droit commun, pour lequel l’employeur bénéficie d’aides, qui peuvent prendre la forme de subventions à l’embauche, d’exonérations de certaines cotisations sociales, d’aides à la formation. Le principe général est de diminuer, par des aides directes ou indirectes, les coûts d’embauche et/ou de formation pour l’employeur. Ces emplois aidés sont, en général, accessibles prioritairement à des « publics cibles », telles les personnes « en difficulté sur le marché du travail » ou les jeunes. Ils relèvent du secteur marchand (c’est le cas par exemple des contrats « initiative emploi ») ou du secteur non marchand (par exemple contrats « emploi-solidarité »). Dans le second cas, ils sont le plus souvent conclus par des associations, des collectivités territoriales ou des entreprises publiques … / … Les personnes « en difficulté sur le marché du travail » sont : les demandeurs d’emploi de longue ou de très longue durée (par exemple les personnes ayant 12 mois de chômage dans les 18 mois précédents, ou 24 mois dans les 36 mois précédents), les bénéficiaires de minima sociaux tels que l’allocation de solidarité spécifique (ASS) ou le RMI, les personnes handicapées, les personnes de plus de 50 ans au chômage depuis plus de 3 mois ou en congé (ou convention) de conversion, les jeunes sans aucune qualification

Lire tout l’article chez Slovar

Les précaires vont servir de boucs-émissaires

La crise financière, qui se mue en crise économique, menace-t-elle davantage encore l’accès aux soins des plus démunis ? Lire la suite

Précaires et statutaires unis contre la précarité dans l’enseignement supérieur et la recherche

Diplômés, déclassés, prolétarisés, invisibles et souvent exploités, certains parmi nous sont en grande précarité, et tous les autres savent qu’elle n’est pas bien loin. Lire la suite

Université de Hambourg : des scientifiques à un euro

par Stephan M.

Une douzaine de scientifiques sans emploi ont été obligés par la “Bundesagentur für Arbeit” (agence allemande pour l’emploi) à travailler pour l’université de Hambourg. Il s’agit du fameux “travail à un euro introduit” par la réforme Hartz IV. Si on a cru que ces mesures de coercition ne sont appliquées que sur des chômeurs peu qualifiés, on doit rectifier ses croyances. Pourquoi faire venir des gens diplômés de pays lointains pour un salaire “compétitif” si on dispose de scientifiques chez soi qui, de plus, font un travail hautement qualifié pour un euro de l’heure, et ceci sans que l’employeur ait à payer ni cotisations sociales ni salaires ? Lire la suite

Sauvons Actuchômage

Le militantisme souffre ces derniers temps. Surtout celui qui a vocation à défendre les plus faibles d’entre nous, à lutter contre la machine à écraser les crevards, à ne pas nous laisser nous pondre dans la tête. Les appels de détresse (financière et participative) se suivent et se ressemblent. Au bout d’un moment, on peut être tenté de détourner la tête, de se dire qu’on ne pourra pas sauver tout le monde. Pourtant, c’est moins le moment que jamais de lâcher la rampe. Lire la suite

Ouverture exceptionnelle

Comme nous habitons dans une de ces régions qui attirent le touriste à plus de 4000 km à la ronde et que, par ailleurs, nous anticipons des lendemains qui déchantent en économie ménagère, nous profitons de nos 15 jours de vacances en commun… à la maison. Lire la suite

Couper les vivres aux insoumis

Jean-Marc est un précaire militant de longue date. Sur le site d’APCD24, il a longuement témoigné de la réalité quotidienne cruelle et extrêmement difficile des RMIstes, loin de clichés envieux colportés par les médias. Depuis quelques mois, son action engagée semble le placer dans le collimateur des administrations chargées du suivi des précaires et l’annonce de la suppression de son RMI, en plein mois d’août, ressemble à s’y méprendre à une tentative de mise au pas… Lire la suite

Irréductible malentendu

À l’ère de la communication triomphante, nous sommes au courant de tout mais nous ne nous comprenons plus entre nous.
L’entreprise est ainsi le siège, non seulement d’antagonismes d’intérêts grandissants, mais aussi d’une totale incommunicabilité.

L’entreprise, en tant qu’entité, regroupe 2 types de personnes : celles qui apportent leur argent et celles qui apportent leurs compétences, leur force de travail. A ce niveau, on conçoit généralement bien le conflit d’intérêt, entre ceux qui veulent un maximum de retour sur investissement et ceux qui recherchent le meilleur salaire. Mais finalement, en restant au niveau de l’argent, on reste à la surface des choses. Car l’argent n’est finalement qu’un moyen et ce n’est donc pas là que se concentrent les attentes ou la vision des acteurs engagés dans la vie de l’entreprise.

Ressources humaines

Il est difficile de concevoir la manière dont un directeur opérationnel, ou un président, ou tout autre cadre supérieur et décisionnaire perçoit l’entreprise dans sa globalité et ceux qui y travaillent en particulier. Assister à quelques réunions de pilotage permet de comprendre assez rapidement que les esprits sont assez accaparés par les flux financiers, que ce soit le retour sur investissement, la rentabilité, le niveau des commandes, celui des en-cours chez les fournisseurs, la valorisation des parts, la satisfaction des investisseurs. En gros, est-ce que la boîte tient ses promesses en terme de rentabilité? Doit-on y injecter plus d’argent? Est-ce le moment de la revendre pour prendre sa plus-value? Est-ce que le prototype tient ses promesses? Le marché est-il suffisant vaste et solvable? Est-ce le moment de jeter l’éponge et de récupérer ses billes avant que l’aventure ne tourne au fiasco?
A ce niveau de décision, il est assez rare d’entendre parler de l’autre capital de l’entreprise : le capital humain. D’ailleurs, en dehors des investisseurs, toute personne autour de la table de discussion peut se retrouver débarquée du jour au lendemain pour insuffisance de résultat.

Il n’est pas rare de voir un génial entrepreneur faire appel à des fonds extérieurs pour développer la PME qu’il a monté autour d’un concept ou d’un produit génial et de faire l’erreur grossière de les laisser capitaliser l’entreprise à plus de 50%. Si les investisseurs ne sont pas satisfaits du développement du CA, ils peuvent décider de vider le patron créateur de l’affaire pour le remplacer par un gestionnaire, sans imagination, certes, mais plus efficace quand il s’agit de trouver des dividendes! Ceci dit, le gars ne se retrouvera pas à poil : il lui restera toujours ses parts…

Une bonne manière de voir avec les yeux des managers qui en ont dans le calbute, c’est de bosser sur les paramètrages d’un logiciel d’ERP. Certes, il y a les modules compta et paie, où il arrive qu’une ligne ou 2 parlent de salariés, mais pour le reste…

J’avais bossé sur le module production d’un ERP.

C’est un module assez complet qui gère à la fois les approvisionnements just in time avec les fournisseurs, jusqu’à la commercialisation des produits finis, en passant par le process de fabrication lui-même. Le but du jeu, c’est d’optimiser l’ensemble de la chaîne de production pour qu’il y ait toujours assez de pièces en amont pour alimenter la production sans iatus et qu’à la sortie, il y ait toujours assez de produits finis pour satisfaire les besoins commerciaux en limitant au maximum les stocks en entrée et en sortie, car le stockage coûte aussi cher que la rupture d’approvisionnement. L’ensemble doit produire en flux continu, juste ce qu’il faut, ni plus, ni moins.
Dans les paramétrages, il y a la nomenclature de chaque produit, c’est à dire le shéma détaillé de toutes les pièces et matières premières nécessaires pour fabriquer une unité de produit fini. Et cette nomenclature doit alimenter la gamme de production, c’est à dire l’ensemble des opérations et process que devront subir les éléments de la nomenclature pour arriver au produit fini. Il s’agit là du coeur de toute entreprise qui produit quelque chose. C’est à partir de ces données que l’ERP va produire les rapports, les shémas et tableaux de bords qui sont autant d’outils d’aide à la décision pour les cadres supérieurs et décideurs dont nous parlions au début.

Et c’est en bossant sur le paramétrage de ce module que j’ai pu apprécier quelle était la visibilité des hommes et des femmes qui bossaient sur la gamme de production, la cheville ouvrière sur laquelle tout repose et sans laquelle le bousin partirait en eau de boudin : une petite case à cocher.
Dans la gamme de production, on doit paramétrer les ressources par lesquelles passent les pièces et les matières premières pour être transformées et/ou monter. Et il y a 2 grands types de ressources, selon la case que l’on coche : machine ou humain. Une ressource machine est opérationnelle, en moyenne, 23/24 heures, 365 jours par an, l’heure qui manque étant dédiée à la maintenance et aux pannes. Une ressource humaine est opérationnelle 8 heures par jour, 22 jours par mois, en moyenne. Elle peut tomber malade, elle doit aller aux toilettes et elle a des congés payés. Une ressource machine a un coût initial, l’achat, qui s’amortit sur la durée d’usage. Une ressource humaine, c’est un coût permanent, avec des charges et des cochons de syndicalistes râleurs qui passent leur temps à essayer de saboter ces belles gammes de production en les engorgeant aux goulets d’étranglement que sont les ressources humaines.

On voit mieux ainsi quelles sont les priorités de ceux qui décident dans l’entreprise : produire au meilleur coût pour maximiser les profits! Les ressources humaines n’ont qu’à bien se tenir, suivre les rythmes programmés dans l’ERP et imposés par les machines et surtout, éviter de plomber ces beaux shémas directeurs par leurs inévitables balourdises et cette tendance détestable qu’elles ont à l’erreur et à la cossarderie!

Merci patron

En face, il y a le salarié. Celui qui loue sa force de travail et/ou ses compétences. Celui qui passe 50% de son temps de veille journalier dans l’entreprise. Celui dont la subsistance même dépend du salaire que l’entreprise voudra bien lui verser.
Et le salarié ne voit pas du tout les choses du même angle que ses directeurs et responsables. Il ne peut en aucun cas se voir comme un petit rouage forcément défectueux[1] de la belle mécanique huilée telle que la rêve l’ERP. Même s’il ne cotoie pas les habitants de l’Olympe managerial, le salarié est en contact avec d’autres facteurs humains : son chef et ses collègues. Il se vit dans une petite communauté à l’échelle humaine, une enclave dans la machine. Et ce qu’il met dans sa relation à l’entreprise qui le nourrit est très disymétrique de la manière dont il est perçu par l’encadrement de l’entreprise.

Lors de la fête organisée pour les 95 ans de ma grand-mère, j’ai eu l’occasion de discuter avec des membres perdus de vue de ma très vaste famille gasconne.
Il y avait en particulier deux cousines que je n’avais pas vu depuis 5 ans[2] et qui, chacune dans leur coin, ont de sévères soucis avec leur direction!

La première, 26, 28 ans, vient juste de réussir à négocier son licenciement, après plus de 18 mois d’harcèlement assez intensif. Entrée en interim, puis en CDD, elle avait fini par décrocher… un CNE! Dès lors, les insultes ont commencé à pleuvoir drues, les reproches incessants :

  • Ils me traitaient sans arrêt de faignasse, d’incapable, de boulet…
  • Ben dis donc, ils n’étaient pas rapides à la détente, puisqu’ils leur a fallu 2 ans pour se rendre compte de ta supposée incompétence!!!
  • Déjà, je devais arriver avant l’ouverture, pour préparer mon poste, trier le courrier, ce genre de chose, un quart d’heure jamais payé. Et le soir, pareil, il fallait toujours que je reste plus tard que mes horaires, parce que j’étais trop lente et qu’il n’y avait pas à me payer pour ça;

Les habitués de Bereno savent que c’est toujours la même rengaine des patrons haceleurs et voyoux.

  • Mais pourquoi faire cela, pourquoi ne pas lui faire une bonne grève de zèle, puisque tu étais une merde à ses yeux? Pourquoi te laisser emmerder avec ces heures sup qui ne sont pas payées? Tu n’es pas mère Thérésa, non plus, à bosser à l’oeil!
  • Oui, mais moi j’aime le travail bien fait. Il m’a fixé des objectifs toujours plus élevés jusquà ce que je ne puisse plus tenir et que je doive dépasser mes horaires.

A force de lire ou d’entendre ce type de témoignage, que ce soit chez Bereno, sur Actu>chômage ou dans mon entourage, j’ai fini par voir que le harcelé a toujours le même profil : quelqu’un de consciencieux, qui tire une certaine de fierté de la qualité de son travail, et qui s’investit énormément dans son entreprise, que ce soit physiquement ou affectivement. En face de lui, il trouve quelqu’un avec une bonne logique entreprenariale qui a su détecter la bonne poire que l’on peut facilement pousser à bosser jusqu’à l’épuisement, pour des clous.

Investissement affectif

Toute la dissonnance est là : investissements financiers contre investissements affectifs. Deux logiques qui ne peuvent ni s’entendre ni se comprendre. Un attachement excessif dans une entité monstrueuse pilotée par et pour le profit. Sans aucune autre espèce de considération. Et quand un petit chef détecte ce type de salarié, il sait qu’il peut presser le citron à fond, et faire grimper la productivité au plafond pour son plus grand bénéfice personnel!

  • Tu sais, on ne demande pas grand chose, me dit l’autre cousine, la bonne cinquantaire, harcelée depuis 8 ans, juste un peu de reconnaissance pour la qualité de notre travail.
  • Je vais te dire une chose, ai-je répondu, la seule reconnaissance valable dans le monde de l’entreprise, elle est située en bas à droite de ta fiche de paie. tout le reste n’est que mensonge et littérature!
  • Mais non, tu ne comprends rien, Agnès, nous ce que l’on recherche, c’est un patron à l’ancienne, quelqu’un de paternaliste, de proche de nous, qui gère son entreprise comme une grande famille, me dit la plus âgée
  • Oui, c’est cela. Un patron qui prend tout en charge, qui nous apprécie, un peu comme un père, renchérit la plus jeune
  • Oui, c’est exactement cela! Ce que nous voulons, c’est un patron qui soit un père pour nous!

Et c’est à ce moment précis que j’ai compris qu’elles n’étaient pas sorties de l’auberge. Que les harceleurs ont encore de beaux jours devant eux. Et qu’au sein de l’entreprise, se cotoient deux univers, deux visions du monde qui ne se peuvent plus se comprendre. Ce qui est une source de souffrances. Sans fin.

Notes

[1] Puisqu’on vous dit que tout retard sur la gamme de production vient forcément du facteur humain!

[2] la fête des anniversaires de ma grand-mère, la doyenne de la famille se fêtant tous les 5 ans!

NB : Première publication